03 novembre 2005

Saines lectures

De temps en temps, le Vrai Motard™ sort le nez des revues techniques et magazines consacrés aux deux-roues pour se consacrer à des lectures plus, euh... hum ! sérieuses ? Enfin, bon il lit quelques bouquins. D'abord c'est pas honteux et on peut parfaitement rester dans le trip moto si l'on veut. Voilà donc ce que je lis en ce moment : Hell's Angels.

La mort d’Hunter S. Thompson, survenue le 20 février 2005, est le reflet d’une vie bien agitée : l’inventeur du "gonzo journalisme", auteur entre autre de Las Vegas Parano (porté à l'écran par Terry Gilliam avec Johnny Depp), s’est tiré une balle dans la tête. En 1964, il projette de faire une série d’articles sur les Hell’s Angels, dont "la superbe arrogance inentamée et l’intime conviction d’être la plus redoutable horde motorisée de toute l’histoire de la chrétienté" l’attire. Le journaleux trash roule pendant un an aux côtés des bikers sur sa BSA 650 Lightning et en tire ce livre, traitant de "ce zoo humain monté sur deux roues qui n’a rien de rassurant". Peu après la parution du roman, Thompson refuse de partager ses royalties et se fait défoncer le crâne par ses anciens amis... Voilà pour l'auteur, maintenant le bouquin...

On pourrait presque dire que Hunter S. Thompson a été l’un des premiers journalistes à se lancer dans le reportage vécu de l’intérieur, avec immersion totale dans l’univers sur lequel il souhaitait écrire. L’auteur de Las Vegas parano n’a pourtant pas opté pour une balade de santé puisque c’est aux côtés des Hell’s Angels qu’il a décidé, après avoir rédigé un premier article, de vivre durant une année. Ça se passe sur la côte Ouest des Etats-Unis au début des années 60. La côte Ouest parce que la moto, c’est beaucoup mieux sous le soleil. Le début des années 60 parce que l’époque est aux mouvements marginaux et rebelles. Les Hell’s Angels, c’est un gang formé en 1950, composés d’anciens de la seconde guerre, qui n’attendent plus rien de la société américaine ni de la politique.

Rapidement, ils sèment la panique sur leur chemin, détruisant l’image très lisse de l’American way of life . Leur réputation est affreuse, comme en témoignent les coupures de presse ou les rapports officiels que Thompson cite dans son ouvrage. Sexe, drogue et, bien évidemment, rock’n’roll ! Ces types qui se font tatouer des croix gammées sur les bras ne songent qu’à se battre, se défoncer et rouler. Mais la presse (dont Hunter S. Thompson !) va faire ses choux gras de ce phénomène de mode. Et les Hell’s vont comprendre que monnayer leur image et leurs propos n’est pas incompatible avec leur condition de marginaux...

Durant un an, Thompson les a suivis sur les routes, assistant aux réunions estivales de tous les Hell’s de la côte, pénétrant leur intimité au plus près. Il en ressort un témoignage unique, dont on sent parfaitement l’évolution. D’abord en phase avec ce mode de vie, l’auteur va peu à peu découvrir la face cachée de ce gang et les embrouilles peu reluisantes auxquelles il est mêlé. Cet ouvrage décrit parfaitement un moment de l’histoire de la société américaine, alors mise à mal par une génération qui n’allait pas tarder à tout faire exploser. La seule chose que Thompson n’avait pas prévu, c’est qu’au moment de prendre ses cliques, il allait prendre de belles claques !

Hunter S. Thompson, Hell’s Angels (traduit de l’américain par Sylvie Durastanti), 10/18, Collection "Domaine étranger", 2004, 345 pages, 7,80 €

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