30 janvier 2006

Musique vivante #2

Il est des soirées qui laissent un souvenir vif et impérissable, des soirées où l'on va de découverte en découverte, où l'on a l'impression de quitter les sentiers battus et rebattus de ce bon vieux quinquagénaire de rock'n'roll qui n'en finit jamais de se croire un éternel jeunôt...
En remontant quelques mois en arrière, c'est ce qui nous est arrivé, à Miss Kid et moi... Mais laissez-moi donc vous narrer :

Troy Von Balthazar - Piers Faccini - The Wedding Present - Vendredi 28 Octobre 2005 - La Coopérative de Mai

Lorsque nous avons appris que le Wedding Present, reformé depuis à peu près un an aprés l'échappée U.S. de David Gedge et la décennie Cinerama qui s'est ensuivie, allait se produire à Clermont-Ferrand, il devenait évident que nous devions assister à ce concert !

Douze interminables années depuis leur dernier passage sur une scène clermontoise, à l'occasion d'un des derniers festival Rock Au Maximum, douze années durant lesquelles la power pop électrique et éclectique de Gedge et les siens avait cruellement manqué aux amateurs d'ambiance live...

Mais ne brûlons pas les étapes ! Lorque nous entrons dans la petite Coopé ce vendredi soir, c'est bel et bien pour voir trois groupes, les Weddoes faisant figure de tête d'affiche. De Troy Von Balthazar, nous ne connaissons rien encore. De Piers Faccini, quelques morceaux sur les cd sampler des Inrocks et une Black Session chez Bernard Lenoir ont aiguisé notre curiosité mais à cet instant nous venons d'abord et avant tout retrouver nos gars de Leeds...

La petite Coopé, en temps normal simple bar lorsque les concerts se déroulent dans la grande salle, se remplit peu à peu. L'ambiance est chaleureuse, la proximité entre le zinc et la scène doit y être pour beaucoup...

Doucement la lumière s'atténue et presque subrepticement, Troy entre en scène : seul, une simple Fender verte à la main, quelques boucles d'effets et un séquenceur pour son instrument et sa voix. La démarche est audacieuse, aventureuse et le courage de notre homme n'a d'égal que son talent vocal. Cette voix, quelle voix ! On en viendrait à douter que Troy ait pu aussi sévir au sein du groupe de harcore Chokebore tant il fait de son chant son plus bel instrument ! Mélodies inquiètes et fragiles, balades éléctrifiées, les chansons sont magnifiées par ce chant superbe et sans égal. Débordant de culôt et d'inventivité, Troy Von Balthazar ira jusqu'à chanter Numbers avec pour seul accompagnement un dictaphone ! Voilà ce qui s'appelle du Lo-Fi... Trente cinq petites minutes plus tard, après nous avoir livré avec coeur la quasi-totalité de son premier album il nous laisse ainsi, pantois, secoués, éberlués par son charisme et son talent, admiratifs devant tant d'originalité, de générosité et d'invention...

>> Troy Von Balthazar sur le net :

Après une pause qui nous permet d'étancher notre soif, et enthousiasmés par le set précédent, nous attendons l'entrée en scène de Piers Faccini, qui ne se fait d'ailleurs pas attendre... Entouré de ses musiciens, ce jeune homme mince au regard pénétrant paraît un peu distant, réservé. Mais il suffit de quelques mesures pour le voir se débarrasser de ce trac au profit d'une décontraction et d'une grande maîtrise de soi. Souriant et avenant lorsqu'il s'adresse au public, habité par sa musique lorsqu'il chante, tel est Piers Faccini... Dans un style un peu plus académique que Troy à qui il succède, mais toujours impressionnant de maîtrise et de décontraction mélée, Piers et les siens nous entrainent dans un univers musical mâtiné de folk et de blues juste épicé de ce qu'il faut de rock. Les balades douces-amères alternent avec des folk songs subtiles ou des blues puissants, le tout porté par sa voix envoutante, suave, douce et détachée. On se prend à penser à Nick Drake et Tim Buckley en l'écoutant... Son groupe fait corps avec lui et ne se contente pas seulement d'interpréter les morceaux... Une grande partie de l'album Leave No Trace y passe (Catch A Flame, Come My Demons, Where Angels Fly, Dream After Dream, etc), ponctué de reprises de Ledbelly, de Dylan ou des Doors. Mais le temps passe hélas trop vite et au bout trois quart d'heure, Piers Faccini et son groupe sous quittent, nous laissant le coeur chaviré d'émotion...

>> Piers Faccini sur le net :
  • Piers Faccini (Site officiel) extrèmement intéressant et très complet...

Lorsque les lumières se rallument pour le dernier changement de scène, nous sentons, Miss Kid et moi, comme un frémissement dans l'assistance et tous les regards sont inévitablement braqués sur la scène où s'affaire un ballet de roadies, les uns débarrasant le matériel laissé par Piers et les siens, les autres achevant la mise en place des amplis pour l'ultime sound check... L'impatience va grandissante, la tension monte de quelques crans, le Wedding Present est anxieusement attendu ! En matière d'émotion pure, Troy et Piers on placé la barre très haut, presque un défi pour Gedge qui évolue dans un registre sensiblement différent, plutôt porté sur l'énergie pure et moins émotionnel... Avant de venir, nous avons plus d'une fois écouté Take Fountain, l'album de la reformation pour les Weddoes. Inévitablement le ton a changé, la flamboyance, l'incandescence des anciens titres cède plus facilement la place à un son au lyrisme maitrisé, les morceaux sont plus amples, plus aériens, à l'image de l'échapée belle qu'a été Cinérama. Voilà ce qu'il en est du disque... et nous n'allons pas tarder à savoir si le Wedding Present est toujours un grand groupe de scène !
Lorsqu'ils arrivent sur scène, la foule se presse, compacte, et les premiers accords vont donner le signal : ça va bouger ! Revisitant son répertoire de main de maître, Gedge tente le grand écart entre les morceaux des débuts et ceux du dernier album, non sans faire quelques incursions au passage par la période Cinerama. On écoutera pêle-mêle les morceaux de bravoure que sont Corduroy, le premier single de '85 Go Out And Get 'Em Boy ! , You Should Always Keepin Touch With Your Friends, My Favorite Dress, Interstate 5 et bien d'autres encore...
Mais est-ce l'age, les années de métier ou la fatigue de la tournée, à moins que ça ne soit le rythme d'enfer des morceaux et celui des enchainements, hormis un David Gedge souriant et disert, le groupe reste curieusement en retrait... Le guitariste est en nage et s'efforce de récupérer, tout comme le batteur derrière ses fûts, et la bassiste frole l'ennui dans son coin. Pourtant l'execution des morceaux est parfaite, étincelante d'énergie, mais il y manque ce petit supplément d'âme, l'audace d'un Troy Von Balthazar, ou la cohésion de Piers Faccini et son groupe. Les Weddoes seraient-ils des "vieux routiers" désormais ? A les écouter on peut pourtant en douter, tant la tension et la nervosité des morceaux live reste toujours bien présente, et les mélodies confinées aux versions album... Qu'importe, après nous avoir encore régalés entre autres de No, The Queen Of Outer Space ou même de la reprise du Falling d'Angelo Badalamenti (B.O. de la série télé Mystères à Twin Peaks) le couperêt tombe de la bouche même de Gedge en français dans le texte avant l'ultime morceau de leur set : "...nous ne faisons jamais de rappel..."
Après une heure trente d'une densité presque asphyxiante, le retour au silence est brutal et nous laisse un peu désorientés mais heureux, du son et des images se bousculant dans nos esprits et nos coeurs... Quatre heures ont passé, volées à la nuit... La magie et l'intensité du moment chargent encore l'atmosphère de la salle, autour de nous les conversations reprennent, les yeux brillent... Avant de quitter à regret la petite Coopé qui semble avoir du mal à se vider, nous irons prolonger ces instants au petit stand installé au fond de la salle où Piers Faccini, David Gedge, dédicacent T-shirts, disques et places de concert en échangeant quelques mots avec les fans venus les voir, l'occasion de rappeler à Gedge qu'il s'était trop longtemps fait rare par ici...

The Wedding Present sur scène le 28/10/2005

>> The Wedding Present sur le net :
...spéciale dédicace pour Anne qui a longtemps attendu ce messge ;o)

3 commentaires:

les docs du LEM a dit…

Réflexion bête : j'espère que t'as signalé cet article à Anne !!

Sinon, ce texte me rappelle la conversation que nous avions eue au retour du concert de Moby où Isa et toi m'aviez raconté cette belle soirée...

@+++

Kawasakid a dit…

Pour être tout à fait franc, même si je lui ai dédicacé (eu égard à sa patience) je ne lui ai pas encore signalé... pas eu le temps de lui écrire un petit mail.
Il faut dire aussi que cet article étant en jachère depuis un certain temps j'ai encore quelques révisions à faire...

;o)

Anonyme a dit…

c'est bon les gars, vous fâchez pas: c'est avec délice que je viens de lire la dédicace (merci) et surtout le C-R tant espéré. Et je songe que j'étais à Leeds quand eux étaient à Clermont... coquin de sort. Enfin, grâce à toi, c'est (un peu) comme si j'y étais. biz, anne